Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'arbre à rêves

Publié le par Cheval fou (Sananès)

L-arbre-dans-le-ciel-AVEC-2TOILE-ET-CONTRASTE-LIGHT.jpg

© Photo PBS - illustration JMS

Un conte de Jean-Michel Sananès

     Je viens du lointain pays d’un arbre. L’arbre immense abritait des millions de printemps et de feuilles. Chacune était la maison d’une joie, d’un rêve, d’un hibou, d’une famille. Chaque fleur abritait des jours de fête, des rêves de futur, des projets de bonheur. Chaque branche se couvrait de bourgeons aux couleurs vives de l’espoir. Ses branches s’enfonçaient dans le ciel comme l’amour des mères dans les jardins de l’enfance. L'arbre portait des fruits de couleurs et de goûts différents. Immense comme la vie, l’arbre à feuilles émeraude se nourrissait du gazouillis des moineaux, du roucoulement des colombes, des rires d’enfants, et de l’attente des matins nouveaux. Son feuillage bruissait comme le chant des consciences quand les hommes sont en paix. Partout sa sève coulait comme une eau pure irrigant les grands horizons et les prairies du ciel.

         L’arbre grand habitait si près de nous qu’il en était devenu aussi invisible que l’enfance avant que le temps ne l’efface. Trop occupés à nos jeux, à bâtir nos royaumes, nous l’avons négligé, ignoré. Nous l’avons oublié, égaré, perdu dans la grisaille des vieilles mémoires et dans les lointains du temps. Seuls quelques vieux nostalgiques en parlaient encore. Certains d’entre nous l’appelaient l’Arbre de Vie, et d’autres encore l’appelaient l’Arbre à Rêves. En ce pays de l'Arbre, comme à travers les millénaires, les enfants et les fées avaient toujours su que sans rêves et sans espoirs, la vie n’est pas la Vie. Et les poètes savaient que l’on ne peut aller à demain sans ouvrir ses rêves

         Pourtant, le monde avait oublié l’arbre, nul ne l'avait soigné. Le vent de l’habitude s’était installé comme l’indifférence sur un amour oublié. Si bien qu’un jour, comme un enfant abandonné au crépuscule des consciences, un jour, l’arbre renonça à faire printemps. Ses feuilles ne firent plus de rêves, de rires, de joies. Celles à hiboux, à familles comme les fleurs à projets, à bonheur, les bourgeons à futur et les branches à germes d'espoir, tout s’était mis à jaunir. Depuis que les hommes avaient oublié l’arbre à feuilles émeraude, à rêves, à vie, à bonheur pour courir après le temps, depuis qu’ils avaient cessé de le regarder, depuis qu’ils ne prenaient plus le temps d’aimer, depuis qu’ils mangeaient ses fruits sans le soigner, sans le remercier, sans même lui parler, depuis qu'ils se perdaient à compter, depuis qu’ils avaient oublié que ses branches étaient la maison du monde, l’arbre grand était devenu un arbre triste qui appelait l’automne, le tonnerre, les nuages. Son feuillage n’abritait plus de rêves, plus de futur.

         Les hiboux, les familles, les fleurs à projets, celles à bonheur, les maisons du rire, maintenant se cachaient au plus lointain des cœurs, se terraient, apeurés, sous le manteau des guerres. Des épines, une à une, remplaçaient ses feuilles mourantes. La sécheresse partout engloutissait les couleurs de l’espoir. L’arbre à rêves n’était plus. Un arbre à larmes prenait sa place.

         Les fées du rire, des lucioles, des tendresses, les phoques et ours polaires, depuis longtemps, s’alarmaient. Ils savaient que l’indifférence est une petite mort qui, chaque jour un peu plus, blessait l’arbre. Une culture barbare avait conduit les hommes à accumuler à leur seul profit tout ce que l’arbre avait jusque-là prodigué, aux hiboux, aux familles, aux oiseaux, aux fleurs, aux jours de fête, aux rêves de futur, à la diversité, et aux millions de printemps. Les hommes avaient accumulé égoïstement tant et tant de feuilles vert émeraude qu'ils avaient dévasté l’arbre et celui-ci n’en finissait pas de dépérir. La violence, l’apparence, la possession, avaient remplacé l’amour. Les hommes croyaient pouvoir stocker le rêve. Les beaux jours de l’arbre de Vie étaient loin. Les hommes ne savaient plus que le plaisir de partager et de donner était essentiel. L'arbre à rêves allait en mourir. Les fous de justice, plus lucides que les démons de l’intelligence, savaient que le désastre arriverait et jamais ils n’avaient cessé d’affirmer que le rêve est l’oxygène de l’homme. Ils n’avaient jamais cessé de prédire que lorsque les feuilles de l’arbre seraient mortes, l’hiver de l’homme engloutirait la vie, toutes les vies. Et qu’alors viendrait l’heure du désert.

         Mais les hommes ne voulaient rien changer, ils voulaient de plus en plus de petites feuilles vertes. Comme des oiseaux à tête de crocodile, ils mangeaient l’espoir et le futur, se gavaient de chiffres, remplissaient sans cesse les besaces de l’avidité et se paraient d’apparences. Comme de grands rapaces, ils se pavanaient sur les restes de l’Arbre. Ils pillaient, brûlaient les graines du dernier espoir. À coup de haches ils élaguaient le futur.

         Il y a longtemps, je voulais des enfants, du ciel et des chansons sous l’Arbre à Rêves. Il y a longtemps, j’ai habité au pays d’un arbre vert. L’Arbre savait que les enfants sont les graines de l’espoir, l’Arbre savait que les enfants sans rêves n’ont pas de futur. Il y a longtemps j’ai pris mon silence et mes mots pour implorer les fées et les démons, les dieux parjures et les présidents. D’un bouquet de mots simples, je voulais affirmer que chacun de nous peut aimer plus grand que lui. Je voulais clamer que ce qui blesse la terre, le rêve, l’utopie, blesse l’enfance et tue l'Arbre de Vie.

         Encore aujourd'hui, je veux dire : amis, en chacun de nous sommeille une petite graine d’amour à faire germer pour que l’Arbre à Rêves refleurisse.

 Jean-Michel Sananès – 24 décembre 2010

 

Publié dans JMS - A paraître

Partager cet article
Repost0

Maurice Lethurgez

Publié le par Cheval fou

Maurice Lethurgez est un écrivain de l’intime. Il questionne le Mystère d’Être, et plus  particulièrement celui d’être né. Il s’applique à cette compréhension, non pas du seul point de vue de son intelligence en utilisant son bagage intellectuel formé à l’exégèse ou celui de psychologue, non, il enquête. Il fouille comme un archéologue, il remonte à l’heure du cri premier, traverse une mythologie de souvenirs subliminaux, déchiffre les silences d’une mère et d’un père. Il ausculte des odeurs disparues, des expressions jaunies au plat des photos, il entre dans le passé, comme un observateur scrupuleux. Il y entre si intensément, si profondément qu’il pourrait dire : maman, je suis là, je sais tes frissons, je viens de loin, je traverse les décennies à reculons, je suis venu te rejoindre, parle-moi, avant que je naisse, avant que la pudeur n’efface la jeune femme que tu étais  pour en faire une mère.

Pour Maurice Lethurgez, la vie n’est pas une suite de hasards mais un puzzle où s’embusque l’inévitable des sentiments, le flot des émotions. Sa racine est là, dans la concrétisation d’un flux de palpitations antérieures. Il appréhende la vie comme un mécanisme dont il est l’horloger. Ligne après ligne, il remet en place le mécanisme de son arrivée à la vie. Maurice Lethurgez sait d’où il vient, son amour des lettres et de la poésie, il l’a appris de façon intra-utérine par les lectures de sa mère. Il y puise son identité première, celle qui a fait de lui l’homme qu’il est : un homme du mot. Pour Maurice Lethurgez, le mot se scrute, s’ouvre et se dissèque jusqu’à ce qu’il en ait trouvé le cœur. Il cherche dans la mémoire des mots les murmures qui ont précédé sa vie. Il cherche, il traque et trouve le frisson de la vie pour en faire une musique, sa musique d’Être.

jms

Quelques lignes de Maurice Lethurgez

 

 

Extrait de Naître

 

et

tout enténébrée d’un buisson d’avenir

 

elle lit…

                elle lit…

                               elle lit…

et tient son ventre

dans le secret de ses lèvres

qui goûtent l’eau de vie de chaque mot

pour que ma soif

un jour soit plus grande…

 

car je suis là

où se lace le temps et l’espace

 

je suis le lieu

où l’inaudible mémoire

garde dans sa bouche

le goût des mots qui lui sont bus

jusqu’à l’abîme des marges

où les images s’enracinent…

 

et tout enténébrée d’une veille ultime 

à la frontière du doute qui s’essouffle

 

elle lit…

                elle lit…

                               elle lit…

 

déjà la donatrice

sépare l’ombre et la lumière

dans la brume des signes

jusqu’à la lisière des sons

mélange l’inattendu

aux résines de l’usage

détourne l’eau jaillissante du verbe

sur l’aile enflammée du silence

et souffle hors d’haleine

sur la limaille des songes…

 

ce sont des mages d’images

dans leurs fourrures de syllabes

qui se tiendront près du berceau…

 

ce sont des porteuses d’indicible

en robe fourreau d’obscur

qui déposeront l’étincelle et le reflet…

 

ce sont… ce sont…

 

et tout enténébrée d’un miroir de désirs

elle m’adosse

à la nuit des poèmes

 

 

Extrait de : il y eut ce cri

 

 

il y eut ce cri

dans la demeure des mots

qui nous relie où se mesurent

les semences de l’homme

au plus fort de son temps…

 

cri-finitude

dans la précarité

où s’irradie un rêve de puissance

quand le regard ne rive

que des choses finies…

 

cri-solitude

qui s’encapsule de présence

près des mythes-fontaines

où s’abreuvent les mélopées…

 

et tout à coup tout en nous

cette voix qui agonise

et ne porte pas de nom

 

cri-banquise

qu’effritent les courants d’indifférence

jusqu’au raz de marée de nos dires…

 

 

il y eut ce cri

si mâle sur le seuil

dont l’effilement de son profil

prolonge le songe de l’infini…

 

cri-traité-sans-fard

sans la complaisance

d’un excès de miroir

où tient à se convertir une image

laissant aux commentaires de nos sens

l’étrange soumission de son être…

 

mais déjà sur la dernière marche

au point fixe des blessures

ce cri prêt à jaillir où se consume

la transhumance du sens

tendu vers le plus haut

vers la sourde émotion

d’une parole-hameçon

hissée dans la lumière du temps

qu’ensevelit le corps vivant de l’ombre…

 

que nous semble ce cri qui arrive

et ne nous parviendra

peut-être jamais ?

 

Publié dans Ils disent

Partager cet article
Repost0

Mon chat perd ses griffes

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Mon chat perd ses griffes

je perds confiance

 

j'arrache mes cheveux

Je déchire mes rêves

 

comme mon chat je suis en diète d'humanité

je m'isole et il en est témoin.

 

Je vis avec moi

quand je sors c'est en moi


La peur de mes peurs parfois m'effraie

un café me rassure.

JMS

 

Publié dans Dieu le silence et moi

Partager cet article
Repost0