Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

On ne se moque pas impunément d’un magnifique Pleyel !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Sur la scène, il est seul, paisible. Un pâle rayon de lumière lui donne un reflet de scarabée tout droit sorti de la mythologie égyptienne. Sa bouche est ouverte, il dort, magnifique, le grand piano. À cet instant précis, il ressemble à un énorme oiseau noir qui pointe une aile vers le ciel en attendant l'envol.
Soudain, arrive un homme en queue de pie. Avançant tel un toréro dans l’arène, à la parade, il regarde l'énorme piano à queue, le toise. Il marche sous un faisceau de lumière argentée. Un sourire de contentement traverse son visage quand fusent les applaudissements. Il salue la salle, mais ne salue pas le piano, non il va vers lui en conquérant, en maître.
Le piano se contracte sur ses quatre pattes trapues,  se fait lion en cage...
Le maestro ajuste nonchalamment ses manches avant de caresser les dents d’ivoire. Par deux fois, le voilà qui claque violemment la bouche du piano.
La blessure est vive. Par deux fois la bête grince, grogne, gémit.
Et encore le maestro se lève, et d'un bras tendu, pince vigoureusement, sous la grande aile, les cordes métalliques,  les malmène, les frappe.
Le grand fauve est vexé, le prendrait-on pour un piano bastringue ! Non, lui est un piano classique, de noble ascendance, son pedigree est irréprochable, c’est un Pleyel, de concert ! Tout le monde sait ce que cela veut dire. Les chefs d'orchestre le respectent ! Mais, à l'évidence, ce maestro de pacotille ne le sait pas qui le bouscule, lui fait injure. Il ignore les ambitions de ce monstre sacré d'ébène et d'ivoire, de ce romantique aux airs sombres prédestiné à jouer de la sonate, du clair de lune, des musiques de crépuscule et, à la rigueur de ses grands airs… Lui, le Pleyel, devrait-il laisser l’inconvenant faire ses fa-dièse d’une main et jouer de ses cordes sensibles de l’autre ?
La tension monte monte monte, ce qui devait être une musique devient flagellation.
La salle abasourdie assiste à cette humiliation publique. On parle de combat entre les Anciens et les Modernes, on s'agite. D'une octave l’autre le ton va crescendo, ce n'est pas une joute ou une simple rixe, NON, là, c'est la GUERRE !
Le vieux lion ailé  se rebelle, s'emporte, se défend. Bruyamment, il replie sa grande aile noire sur la main tendue et l'énorme cri du pianiste ! Rien ne calme le piano en furie, encore il se cabre, rugit, mord. C’est maintenant sa longue mâchoire d’ébène qui claque sur ses dents d'ivoire et emprisonne la main gauche du cacophoniste. Pris de panique, le pianiste tente de fuir la vengeance de l’offusqué.  Tentative inutile, dans un raffut épouvantable, une fureur d’ébène le poursuit, bondit, grogne, vocifère, recouvre de ses octaves les plus graves les plaintes aiguës du maestro impuissant. Dans une danse pathétique, le pianiste se trémousse, se débat, on croirait un Chant du Cygne !  Ce sera sa dernière représentation. La punition à été terrible !
Maintenant, repu, vengé, le piano, d'un pas lent et lourd, retourne à sa place et salue le public médusé.
Le rideau tombe.
La foule repart, dé-concert-ée.
Hélas, dans la salle, il n'y avait pas de dompteur de piano.
On ne se moque pas impunément d’un magnifique piano de concert, d'un Pleyel !

Partager cet article
Repost0

Silence là-dedans !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Trop de monde, trop de bruit
trop de nuits cassées
trop de rêves dissipés !

Ça chante, ça parle, ça bouscule
ça crie, ça siffle, ça murmure
trop d'habitants dans ma tête
qui dansent sur mon silence

Arrêtez la cavale des mots fous
et la cohorte des moineaux tapageurs
terrassez la horde des pensées inquiètes
et des coquelicots qui déjà appellent le printemps
éloignez ces verbes excentriques qui chassent le réel
empêchez l'envolée de ces phrases qui parlent de tout et de rien
tirez à vue sur toutes les digressions
je ne veux plus ressasser l'inventaire du jour
et celui des musées de l’imaginaire
taisez les mots qui parlent à voix basse
les embusqués du subconscient
les pensées clandestines
les demi-mots, les petit mots, les dicos en goguette
et tous les souvenirs altérés

Laissez-moi vivre en moi, et seul

Je ne veux plus que ma tête soit ailleurs
quand je devrais être en moi et ici
donnez-moi du carré et des nombres
laissez partir les soleils de minuit
nourrissez-moi de tapioca, de patates et de chiffres
fermez la porte des folies
et tous les portiques de l'imaginaire
chassez ce hibou galéjeur qui ricane dans mes rêves
pourchassez les enfants poètes et leurs cerfs-volants
les jongleurs de mots et les papillons ivres
qui titubent autour des réverbères
congédiez mon neurone aux chimères
emprisonnez mes idées folles, mes pensées vagabondes
je veux la mise à l'arrêt des bruits qui courent
la mise en sourdine des verbes hauts, des jeux de mots
des gros mots, des traits d’esprit, des paroles en l’air
des désaccords et des accords et des promesses qui passent

Trop de monde, trop de bruit
trop de nuits cassées
trop de rêves dissipés
donnez-moi des mots d'ordre
des pensées à l'eau de rose
des pamphlets au pain béni

Donnez moi le sommeil et le silence des justes
fermez ma conscience et ses agitateurs

Allez, mots rebelles
Mots sauvages et petits rêves
ouste dehors !

Incroyable ! Je ne suis pas chez moi
dans ma tête
rien ne m'obéit
le désordre règne
comme quand le maître parlait au tableau
et jetait sur ma table des équations froides
en ces temps où le soleil attendait l'heure de la récréation
Rien n'a changé
les décennies ont passés
et dans mon lit
des mots des phrases des rires démentiels
squattent encore ma nuit
une cacophonie déchire mon silence
je cherche le calme et la paix


Il est trois heures
et la lune fait le guet
seule la caresse de mon chat
promène un silence bienveillant.

jms

Partager cet article
Repost0

La dame en noir (à Barbara)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Elle ondule comme un silence
son cri à aucun sanglot pareil
hésite et s'enroule autour des mots
 
Sur de vieilles douleurs
la femme
feu follet d'ombre noire
ouvre une musique en pelure d'âme
aiguisée et pure
 
Sous le projecteur
deux infimes
deux gigantesques couteaux d'obsidienne
cerclent des yeux d'aigle
 
Il y a si longtemps déjà
sur les quais de l'Ill
elle était entrée en moi
par une de ces fissures du doute
qui appelle la vie la mort et l'absolu
 
Les enfants de la flétrissure
se reconnaissent à leur douleur
 
Elle, me promenait dans un vague à l'âme
où s'épuise l'envie de vivre


Tout près de moi, dans la chanson de Prévert
un bateau d'Ouessant n'arrêtait pas de sombrer
il pleuvait sur Brest
elle me revenait de Nantes
déjà je savais qu'il est toujours trop tard
pour déterrer le passé.

 

Partager cet article
Repost0

L'âme (extrait) Jean-Marc La Frenière

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

c'est cette lumière qui s'échappe par la blessure de l'être,
ce miellat nourricier,
cette chair accrochée aux bouleaux et guérissant les hommes,
ce pollen de l'air qui donne vie aux fruits,
l'énergie des fourmis qui soulèvent des pierres,
cette braise sous la cendre que tisonne le vent,
cette sève des érables que sucre la chaleur,
cette tête qui anime la main,
celle qui pousse le crayon et dessine la vie,
cette bouche du fleuve et l'appareil digestif de la terre,
ces fleurs sauvages qui s'offrent aux abeilles,
la gelée blanche des fougères,
cette pelletée de braises faisant fumer la neige,
le feu follet, la flamme, le ver luisant, l'iris versicolore,
quelques mots qui survivent à l'asphyxie du monde,
la veilleuse d'un enfant dans une chambre à coucher,
le monstre sous le lit ou dans le garde-robe,
le cri intermittent d'une chouette,
les rares bruits du cimetière,
l'enfant et son genou qui saigne,
la poupée, la toupie, l'ami imaginaire
son trésor enfoui sous la galerie,
un vieil homme errant dans sa mémoire,
un feu de branches aux airs de guitare.
 
c'est l'usure des planches et la patine des meubles,
ce bruit de l'eau dans les gouttières,
celui de l'homme dans la rumeur des choses,
c'est la course des heures,
les fleurs pressées de vivre
et celles qui tombent en poussière,
les fruits ronds des pommiers et les œufs des oiseaux,
le fouillis cellulaire d'où naissent les enfants,
la fonte des neiges dans la faune et la flore,
les germes qui s'éveillent,
la lessive bleue du ciel,
les neurones qui éclosent,
c'est l'orage et la pluie, la fulgurance des éclairs,
la bousculade des gouttes sur la tôle des toits,
la rosée du matin, la couleur du couchant,
le rose insaisissable des brumes sur le lac,
l'aubier des arbres, l'aube du bois,
ces ruches, ces nuées, ces nuages qui s'emparent des yeux,
cette route montrant sa corde sous les pas,
la corne sur les paumes et le dessous des pieds,
la vue d'un fruit dans le panier d'un arbre,
c'est la semence se dévoilant pivoine,
sycomore, cyprès ou thuya,
le dès, le depuis, le toujours.
 
Publié dans Jean-Marc La Frenière - Poésie

http://lafreniere.over-blog.net

Publié dans Ils disent

Partager cet article
Repost0

Que me dit-on MADAME ?

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Que me dit-on MADAME ?
Les mille coups de règle que j'ai pris sur mes doigts pour un accord de participe passé oublié, pour un subjonctif malhabile, étaient peines et blessures inutiles ? Que me dit-on MADAME ?  
Le "Pataouète" aurait été condamné et oublié à tort et il redeviendrait tendance ?
Certains, même, comptent en faire le structurant d'une nouvelle  grammaire française !

Pourtant Madame, si encore je vote et adhère aux trois couleurs, c'est bien parce que la langue française est ma mère, ma patrie, mon passé, qu'elle est l'élément premier de cette culture qui a structuré l'appartenance de mes ancêtres à ce drapeau qui leur a demandé du sang et des vies et qui, plus largement, a nourri leur appartenance à une philosophie humaniste et mondialiste. Ma mère, à quatre vingt-dix-neuf ans, à quelques jours de sa mort, nous disait encore du Victor Hugo : "Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne…".
Je n'imaginais pas qu'un  jour, une quelconque instance de la "Culture" puisse me dire que le savoir doit être sacrifié parce que l'on ne se donne pas les moyens de l’enseigner correctement.

Pas plus qu'aucune mutation de la médecine qui expurgerait la connaissance du corps humain, la mise au rancard des fondamentaux de ma langue ne me paraît acceptable.

Peut-être me traitera-t-on de vieux con, d'incompatible du prédicat, mais laissez-moi aimer "Le corbeau et le renard" dans la version grammaticale de La Fontaine car tout me porte à croire que la richesse linguistique et les subtilités d'une langue affinent et forment l'esprit. Je crois à l'esprit et à la culture française.

Partager cet article
Repost0

Merci la vie

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Tu m'as donné un an et tu l'as multiplié
Tu m'as prêté des dents et tu me les as ôtées
Tu m'as offert une peau et tu l'as fripée
Tu m'as appris le rêve et tu as usé mes utopies
Tu m’as confié une âme où habite ma conscience
Des amours, une femme, des enfants, des amis
Et tu m’as fait trembler pour eux
Tu m’as fait parler, hurler, pleurer, rire, aimer
Le soleil, le vent, la pierre ont été ma maison
Merci de m’avoir laissé tous vous rencontrer
Merci la vie
Merci la vie de m’oublier encore un peu ici-bas.

 

 

Partager cet article
Repost0

Je cherche des allumettes

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Une mélodie de silences posés sur l’escalier
comme une vie qui passe
un sourire attaché aux nuages, je cherche des allumettes

 

Je me cherche
Si longtemps que j’ai perdu le chemin

J’ai froid de toi dit-il
Son sourire éclata comme une envolée de notes légères et turquoises
Ses yeux portaient l’étrangeté indicible des musiques péruviennes
quand elles percutent la mémoire d’un vieil homme qui revoit courir ses vingt ans

J’ai froid de toi
Une ficelle de rire à la fenêtre projette une odeur de thé indigène
Je scrute hier
Te rencontrerai-je ma belle ?

Je cherche des allumettes
Si longtemps que j’ai perdu le chemin.

Cheveu après cheveu la vie boit le fleuve des illusions
Le temps et la belle sont passés
Une mélodie arrêtée sur l’escalier mesure le silence
Un sourire attaché aux nuages arque d’improbables printemps
Je me cherche

La pluie a feutré la musique et le bruit
Entre deux larmes acides
dans ce crépuscule qui m’enferme, je vois courir mes vingt ans

J'ai toujours froid de toi. Resteras-tu ma belle ?

Dans les clairières de l’étrange, ton rire seul est entier
Oublies-tu la promesse ?
Où est  la musique si bien gardée dans le secret de tes rires ?
Je sais toujours le chiffre
Tes yeux gardent trois coquelicots et l'aurore.

J'ai froid de toi
Reste, nous veillerons les étoiles.

JMS - Extrait de "La diagonale du silence" - Éditions Chemins de Plume (déjà publié sur Cheval fou en 2007)

 

 

Partager cet article
Repost0

Léo, mon chat, m’interroge

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Personne ne nous a écrit et le ciel nous manque.
Hors ce temps de glace l'immense nous semble vide.
Tout aussi vide que l’avenir d’un hérisson perdu sur l'A8.
Près de moi, Léo, mon chat, m’interroge sur l’implacable absence de sa patte.
Sa lettre au Père Noël n'a pas été entendue.

Léo, mon chat, m’interroge

Je n'ai pas retrouvé le rire.
Trop de chemins, trop de larmes et de routes qui mènent nulle part.
J'ai le moral d'un ordinateur qui a perdu sa souris.
Léo rêve d'une vie qui ne clopine pas.
Il veut toutes ses pattes à griffes pour encore grimper
sur ce chemin d'arbres qui le portait au ciel.
Mais l'arbre a trébuché sur l’automne, il est chauve et ses bras ont froid.
Blotti dans le jardin, il attend le soleil.
L’arbre, Léo et moi, ensemble attendons les piaillements de l’été.
 
Demain Léo sera opéré encore une fois.
Mon infirme, mon trois pattes, n'en sait rien
Couché sur son coussin, il rêve du temps où il sera un homme.
Son impatience n'y peut rien et la mue sera longue.
Quand il sera homme, je serai son chat.
Nous aurons une île peuplée d'arbres à croquettes, de cannes pour vieux boiteux
Et aussi des amandes de Jouvence.
Alors, tous deux, encore nous pourrons courir.
 
Mais j'ai perdu le rire.
Je me regarde dans les yeux pour y voir l’hiver.
Je suis triste à me jeter du haut de mon âge, tête la première dans le premier rêve venu.
Parfois, je trempe ma plume dans le marc de café, l'avenir y est d’encre bleue, les mots y font la ronde.
Je n'ai plus peur d’Halloween, les sorcières sont devenues mes amies.
Quand on me dit "du balai", moi je pense voyage.
Mais personne ne nous a écrit et le ciel nous manque.

Léo, mon chat, m’interroge
Partager cet article
Repost0

Avec le temps

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Passent les ans et les chansons
Dans la ritournelle des mémoires
Et encore, encore je suis là
À scruter ce miroir sans tain
Où s'embusque mon  passé
Je me cherche
Encore je suis là
En quête d'anciennes lumières
Pauvre de désespérance
Riche de mon espérance
En ce temps millésimé
Où réside mon vieux corps
Qui traîne encore
Sur un chemin d'amour et de vie
En cette maison patrie 
Où habitent ma conscience et ma langue.
 
jms2/01/2017
Partager cet article
Repost0

Voeux 2017

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

J'écris des mots où je me retrouve,
j'écris des contes où je me cherche
et des poèmes où je laisse mon cœur.
Je jette le mot vers les sommets de l'invisible,
je suis une pensée fragile flottant dans le naufrage,
un cri perdu à la recherche d'une oreille, un enfant qui sait :
les paroles, trop haut jetées, souvent ne sont que des mots en l'air.  
Je suis celui qui cherche les portes du rêve
quand partout la rumeur susurre :
"Cherche le bonheur dans ta cage et ne regarde pas trop loin,
ne regarde plus ailleurs".
Je ne suis qu'un petit homme perdu dans l'enfermement des possibles,
qui se heurte aux couteaux froids de l'indifférence
et d'un aveuglement sucré où l'inconscience s'attarde.
Partout le monde se fait mur.
Qui ouvrira des portes si plus personne, ici, ne sait qu'il est frère de toute vie ?
Je suis l'enfant qui comprend que trop souvent les têtes adultes
deviennent trop petites pour être peuplées de rêves.
En cette année qui vient encore, je veux être un enfant qui croit à l’espérance,
cette utopie qui fait que le monde est encore vivable.
En cette Nouvelle Année 2017,
je vous souhaite l'enfance perpétuelle
et des rêves plus grands que les mirages,
des rires à partager et un destin à hauteur d'âme.
Je vous souhaite des trop-pleins d'amour
à en réparer la fraternité.
 Je vous souhaite l'amour et le soleil.

JMS le premier janvier 2017

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0