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Jean-Marc La Frenière : Comme on naît

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je connais le désespoir pour l'avoir côtoyé. Je couche avec la mort par amour des vivants. Les empreintes sur la sable jettent les bases du futur. On tire sur les enfants des balles de caoutchouc, des bombes fumigènes sur les récalcitrants, du plastic dans l'anus, des doses de poison dans les rivières du monde. On pique à la morphine les poètes enragés. On menotte le printemps. On a mis des barreaux entre le monde et l'homme. On traverse des tombes pour retrouver la vie. J'aime mieux semer du blé pour en faire du pain, de la bière et du rêve. Il y a des mots si simples que je peine à les dire, la vie, l'amour, la mort, l'amitié des myrtilles et des ratons laveurs, le bonjour des nuages, les adieux des étoiles, à bientôt, à demain, le hurlement des loups et le chant des oiseaux. Je sais la pierre et l'eau, les choses qui commencent, les choses qui finissent. Je me garde vivant pour tout ce qui va naître, ce qui s'éloigne de l'argent et de l'orgueil des hommes, ce qui s'éloigne de l'envie pour sauver les enfants qu'on fusille et les femmes qu'on viole, pour ce quignon de pain et ce feu des sarments, cet air d'ocarina aux lèvres de mon père, ces légumes que vend la mère des jumeaux, pour les gestes qui viennent quand on ouvre les bras. Le cœur nourrit les veines, ce meuble cardiaque dans la maison de chair. S'il n'y a plus d'abeilles, tous les pommiers s’arrêteront de fleurir. Je crache mes poumons dans ma barbe à papa devenue poivre et sel. J'ai peur de crever seul dans un lit de fortune tout au fond d'un mouroir, dans un asile de clowns et de vieillards aveugles. Mes lèvres sont usées, mais les mots restent jeunes. Il y a des trésors dans le vide, des trous d'air dans les mots. S'il m'arrive d'aimer ce sera comme on naît.

Je parle avec les mains en l'air. J'écris avec le cœur à l'ombre. J'ai les yeux révulsés des regardeurs avides. J'ai des bras à l'apogée des gestes, mais les jambes trop courtes. Je suis mort si souvent, mais je respire quand même. J'ai titubé longtemps et je titube encore, mais je reste debout au milieu des assis, de boue et de fougère sur la terre des hommes, de soif et de pain noir à la table commune, de bric, de broc et de misère, de faim et de breloques. Je suis resté l'enfant qu'on lapide et qu'on moque, le vieillard sur un banc qui parle aux pigeons. Les mains toujours plus vides, je quête l'absolu. Je mords l'alphabet avec des mots cariés, des phrases endolories, des poèmes aux aguets. Je n'ai pris au sérieux que l'amour et les mots. Le monde court vers sa perte avec ses mains qui lui échappent, sa bouche amputée de baisers, ses pieds qui coulent à pic, ses pas qui marchent dans les clous, d'autres qui tombent dans les trous, les doigts coupés des guitaristes, avec ses poings au ventre et sa marée de sang dans un buisson d'organes, ses chars d'assaut devant des roses rouges et ses drapeaux en deuil, ses gros doigts dégoûtants qui pelotent les filles, sa mémoire agricole rongée de pesticides. Il faut semer du blé avant que Monsanto ne détruise Svalgard. Il fait un froid de canard qui ne sait pas voler. Il titube comme un homme. En hiver, il est normal qu'on cherche la chaleur humaine. Peut-être que la vie reprendra son souffle, que ses cahiers de feu incendieront la neige. Les yeux survivent aux lampes qui s'éteignent. La pluie reste debout quand elle tombe du ciel. Je fais les poches du malheur et je brise ses armes. Avec les doigts en sang, j'écris sur du béton, du bitume et du bois dont on fait les cercueils. Je mâche du cerfeuil entre deux gorgées d'eau. De rat des villes à rat de bibliothèque, je suis devenu rat des champs. De malfrat de bar, de coup de foudre en coup de soleil, de la taverne à l'eau de source, de l'asphalte en chaleur jusqu'à ces herbes qu'on dit folles, je suis devenu pelleteux de nuages, copain avec un loup, berger d'abeilles. Je rampe sur la terre au niveau des étoiles. Je demande un briquet pour enflammer la neige.

Jean-Marc La Frenière

http://lafreniere.over-blog.net/

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Mémoire des pierres

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

Voyageur, continue ta route.
À Digne,
l'Hôtel Ermitage t'attend.
Ici
la nuit est tombée
sur la vieille demeure
nul ne montera plus
l'escalier grinçant.
Chambre du haut
la paillasse ne chantera plus
ses nuits portent des silences
qu'une mémoire de pierres réveille.

 

page 18 in : La mémoire des pierres
La Provence en passant par Nice (en quête d'éditeur)

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Mes nuits sont des cavernes

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mes nuits sont des cavernes où les rêves perdus rugissent
comme des terreurs millénaires se désagrègent 
en envolées de chauve-souris que la lune dévore


Je palpe le silence,
je cherche, je fouille le sillage des disparus.
Où êtes-vous, où es-tu, dans cet ailleurs où je m’égare ?
Où êtes-vous mes disparus,
pareils à tant de poèmes dont les mots se sont évadés ?
Où êtes-vous, où es-tu, dans cette flambée de jours consumés ?


Je cherche dans le sillage des disparus,
je scrute l'armée des ombres pliées dans les ressacs des jours perdus,  
j'entends des voix,
je vous vois,
je te vois, ma mère,
les yeux penchés sur mes cahiers à l'orthographe indomptée
.

Où es-tu ma mère
dans cet ailleurs où crissent des chants d'amour oubliés ?
Deux ans déjà…


Je te cherche dans les mémoires de triage,
sur des chemins d’exil.
Je n'ai rien oublié de ces ailleurs où je fus enfant.
Je n'ai rien oublié des tablées fleuries
où tu chantais, ma mère.
Je n'ai rien oublié de ces soirées cachées
où le sel à tes yeux, coulait.


De soupirs en sourires,
mes nuits sont des cavernes où les temps reviennent.
Les jours y flambent dans une clameur heurtée de rires et de larmes.
Enfant, dans l'abécédaire des silences
je décryptais la violence du jour,
je savais qu'il me faudrait attendre
pour un jour déployer mon cri.


Sous des sourires d'apparat, parfois tu pleurais, ma mère.

Mes nuits sont des cavernes
où les rêves perdus rugissent encore comme des terreurs millénaires

jms

Publié dans Textes de JMS

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Gilets Jaunes

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Parfois la poésie est un langage trop civilisé quand l'homme et ses projets de vie sont à la botte d'un grand capital qui organise la captation des richesses globales au profit des 5% les plus riches, c'est à dire qui organise la spoliation de 95% des peuples.

Parfois la poésie est un langage trop civilisé quand les pouvoirs organisent l'exonération du grand capital, de peur qu'insatisfait de perdre ses privilèges, ou de voir se réduire les niches fiscales, il s'expatrie dans des paradis fiscaux.

Mais qu'il se barre bordel !

Interdisons-leur de commercer chez nous et qu'enfin reviennent les millions de petits commerçants ruinés, les millions de petits paysans dépossédés, que reviennent les millions d'emplois détruits par les spéculateurs qui profitent de l'exploitation des hommes en terre étrangère, qui jouent les salaires à la Bourse aux misères et jouent la mort de l'emploi ! Que ces spéculateurs soient soumis enfin à des lois éthiques !

Notre modèle social, Monsieur le Président, ce n'est pas ce que votre action défend en cautionnant la politique d'un Bruxelles aux ordres des lobbies experts en corruption alors qu'elle devrait être au service des peuples.

Monsieur le Président, ne soyez pas enclin à envoyer la force publique contre les Gilets Jaunes, à les faire taire, à enterrer leur parole sous une avalanche de communications télévisuelles tronquées et partisanes.

Cessez de jouer, encore et encore, les vieux réflexes de la lutte des classes en organisant le dénigrement des humbles, de ceux qui usent leurs vies et leur sueur à vivre la douleur d'être les exploités de votre capitalisme.

Rendez-nous le capitalisme humain qui nous a protégés des radicalismes, du fascisme et stalinisme. Rendez-nous notre dignité, celle qui nous permettra de ne plus élever nos enfants au rabais.

Pour connaître réellement la vie de 80% des salariés français, avant d'être Président, Monsieur, ne faudrait-il pas vivre une année complète avec le SMIC, en se levant à l'aurore, avoir des journées aux ordres d'exploiteurs qui, souvent, ne vous respectent pas, vous menacent de mise à pied si vous levez la tête, si vous parlez trop haut… et vous comprendrez alors, Monsieur le Président, pourquoi parfois au risque de choisir le pire pour mettre fin à une situation inacceptable, les peuples se révoltent !

Parfois, Monsieur le Président, la poésie est un langage trop civilisé pour parler de la senteur des fleurs quand les hommes souffrent et sont bafoués.

jms

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Quand un poète

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

Quand un poète prend sa retraite

Il bâillonne ses mots

Les enraye

Mâchonne

Les vieux mensonges de l’utopie.

 

Les chiens du silence                     

Rongent ses cris abandonnés.

 

Quand un poète prend sa retraite

Il s’agrippe

À l’ombre de ses vieux rêves

encore cloués au rideau de ce théâtre

Où chaque jour sa vie s’efface.

 

Quand un poète prend sa retraite

Une larme acérée plantée en travers du gosier

éteint les feux de son âme

 

Quand un poète prend sa retraite

Il se tire des silences en pleine tête

 

Chaque nuit brûle ses étoiles

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11 novembre : histoire de la "La tourterelle"

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

En ce jour de 11 novembre, comme de nombreux petits fils de français métropolitains ou de mobilisés coloniaux, je ne peux m'empêcher de penser au vécu de nos grands-pères.
Le ressenti de ce passé où ma famille a payé son tribut m'engage à publier cet extrait d'un de mes romans qui porte sur un décalage des lectures du monde, confrontant la raison immédiate à un refus de la réalité de l'autre.
Trop souvent, la lecture du monde est expurgée de la tendresse du regard nécessaire à la compréhension d'autrui ; trop souvent l'intérêt identitaire défend sa logique en l'opposant à celle de l'autre, et c'est bien ce qui, depuis toujours, justifie la guerre. C'est le cœur même de la réflexion du roman dont je tire cet extrait.

Quelques mots avant d'entrer dans ce passage du roman.
Le narrateur, un survivant du franquisme, blessé lors de l'assassinat de son père, est devenu un décalé de la raison. Comme la plupart des protagonistes de ce roman, les violences du siècle l'ont traumatisé et il habite désormais "Le jardin des diagonales", un lieu confiné incarcérant d'autres éclopés de l'esprit.
Ce roman est un voyage aux confins de mémoires croisées, d'une part celles d'internés psychiatriques qui nous ouvrent leurs mondes dont finalement toute vérité n'est pas exclue, et d'autre part celle que le monde dit réel érige en vérités et qui sont parfois d'une étroitesse confondante.

Dans cet extrait, Manuel nous parle d'un coin d'humanité qu'il partage avec une tourterelle fréquentant la fenêtre de sa cellule. Il oppose la beauté subtile de cette rencontre au monde limité et formel des infirmiers qu'il appelle selon les circonstances 'les pompiers blancs ou les hommes en blanc' :

oo0O0oo

"… Parfois, la tourterelle me regardait, muette, puis regardait son ciel à elle, celui qui est si vaste qu’il va du matin à l’horizon, elle semblait hésiter mais restait là, à ronger ma solitude, et cela, bien après avoir mangé les miettes que je lui avais données.
Ce n’était donc que par amitié, qu’elle restait là à m’offrir des morceaux de sa vie.
Elle n’était pas comme les hommes en blanc, elle s’intéressait vraiment à moi, elle n’obéissait qu’à sa conscience, à son envie. Un jour, elle avait mangé dans ma main, je n’avais pas tenté de l’attraper. Les hommes en blanc ne l’avaient pas vue, ils l’auraient tuée si elle avait sali le mur.
Les hommes en blanc ne voyaient rien, ils habitaient l’autre côté du miroir. Ils étaient des montres.
Dans mon monde, les montres ne servaient à rien, elles ne minutaient que le rythme des hommes en blanc, les repas et les visites de monsieur Hô Chin.
Ceux de l’autre côté du miroir ne croyaient qu’aux montres, elles régissaient tout : "Time is money" disaient-ils. Ils ne savaient pas que les heures ne coulent pas de la même façon selon que l’on habite le vert de l’attente, le bruit blafard de la peur ou l’odeur noire du cri. Aucune pendule ne sait que la douleur compte triple.
Aucune ne savait l’heure de ma tourterelle.
Les hommes en blanc n’étaient pas comme la tourterelle, ils ne s’intéressaient pas à moi, ils n’utilisaient jamais les mots du silence. C’étaient des hommes mécaniques, ils me regardaient comme le cycliste regarde la chaîne de son vélo, sans se demander si le métal est fatigué.
En fait, ils ne posaient jamais les bonnes questions, au pays du "Time is money", les solutions standardisées remplacent les questions. Tout ce qui semble faire perdre du temps est inutile. L’émotion dérange.
Ils ne me parlaient pas. Comme le vieux fusil de Grand père, ils étaient de la race des objets. Ce n’était pas vraiment leur faute, on ne leur avait pas appris à regarder du bon côté du miroir. Ils ne se remettaient jamais en cause.
Grand-père savait que le rose n’est pas rose mais une harmonie de rouge et de blanc. L’œil qui ne sait pas ne mesure pas le poids du blanc et du rouge qui font les crépuscules.
Ceux du mauvais côté du miroir ne questionnaient pas la lumière. Ils n’écoutaient pas les cris qui agitaient le noir. Ils couraient, mangeaient des images, mangeaient le plaisir et la douleur avec avidité.
Comme la Guardia, ils repartaient sans se retourner, sans refermer les questions, sans compter les larmes."

Extrait du "Le Jardin des diagonales" aux Éditions Chemins de Plume (12 €)

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L'ange et l'enfant : Être homme

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

L'enfant demanda : 
- Que faut-il faire pour devenir grand ?
- Tu n'auras ta taille d'homme que lorsque ta tête touchera le ciel, déclara l’ange,
- Tu atteindras la grandeur lorsque tes rêves seront assez vastes pour être à dimension d’utopie, mais tu ne seras homme que si ton cœur est assez vaste pour contenir plus d'amour que d’ambition.
jms
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Coup de gueule

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Un traducteur de l'armée française en Afghanistan a encore été assassiné après que la France lui ait refusé le droit d'asile !

Tellement triste de m'apercevoir que ce qui pourrait être une
grande culture s'affirme être le moteur d'une machine à tuer la vie, la liberté de penser et la démocratie ; et triste aussi de m'apercevoir que ceux qui s'opposent à ce despotisme sont en danger.

Je suis las des postures politiciennes qui exonèrent le fanatisme islamique en prétextant que d'autres cultures ont commis les mêmes crimes, en oubliant que nous entamons ce troisième millénaire où, tous nous devrions avoir appris de la science que la terre est ronde, et aussi retenu de l'Histoire que toutes les cultures de l'intolérance mènent à la guerre et aux génocides.

Quand aurons-nous compris que seule la compréhension de l'Histoire et l'usage raisonné de la science permettront à l'Homme de survivre et de repenser un futur pour tous ?

L'obscur des traditions anciennes est en train de renaître, le Klan et le suprémacisme blanc reviennent. La nature animale de l'homme sera-t-elle toujours encline à jouer et rejouer le crime pour crime et la meute contre meute ? C'est-à-dire à faire qu'en se justifiant des crimes de l’autre, l'homme soit toujours condamné à jouer au plus con.

Combien de morts, par exemple pour l’honneur sur le Chemin des Dames, et combien d'autres à ce jeu de mort pour mort ?

Comment aller à l'avenir quand La presse joue le buzz plus fort que la vérité ? On en vient encore à nous faire croire que l'horrible assassinat d'un journaliste saoudien est de taille à masquer l'exécution et l'emprisonnement de milliers d'opposants turcs.

Loin du déchaînement médiatique, hier encore, 7 Coptes ont été tués et 14 blessés en Egypte ; chaque jour, les Kurdes meurent dans le silence ; les décapités, les Yazids, les homosexuels lancés des toits d’immeubles, et les crimes d’honneur, sont engloutis dans les soubresauts de l'habitude. La barbarie manifeste encore contre l'acquittement d'Asia Bibi après 10 ans de détention pour blasphème. L'ONU et l'UNESCO ne jouent pas la morale mais la majorité. Les déclarations de circonstance masquent l’inaction.

Partout, les exactions culturelles restent les plus horribles des crimes, car rien ne justifie le meurtre de ceux qui ne nous ressemblent pas ou de ceux qui ne vivent pas comme nous. Une inquisition tacite impose ses codes et prétend détenir la morale oubliant que la véritable Morale consiste à ne pas nuire à autrui ; oubliant que l'homme et la femme sont libres de disposer de leur droit à réfléchir, à être tels qu'ils veulent être ; oubliant que l’immoralité réside dans le non respect de la vie d'autrui et de sa liberté à vivre dans un monde non hostile.

Que faut-il faire pour que la laïcité et la démocratie soient enfin humaines en ce qui concerne le droit à la vie des peuples et de la nature animale et végétale ?
Que faut-il faire pour qu’enfin ce seul critère de reconnaissance : "l’humanité pour tous", octroie aux nations le titre de nations civilisées ?

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