je n ai pas de toit
moi, je n'ai pas de maison, je n'ai pas de gîte
pas un abri, pas un seul nid ne m' abrite
je n'aime pas les plafonds bas ni les toitures
et les villas voilées de clôtures
qui font trempette sur la plage
hors de prix ça !
et plus de mon âge
moi, je n'aime que les images et les sons
les rires et les soupirs
la moisson des chansons
les frissons et les gémirs
les abeilles, les guêpes et les cigales
les fourmis, les frelons, et les mygales
ça ne me fait ni rime ni raison
puisque les oiseaux n'ont ni toit ni maison
je n’ai pour amants que des mots taris
et un deux vieux ordinateurs pour maris
dans le jardin poussent des citrons vert-opales
tout juste ronds, à peine ovales
et là, quelques vagues bleus à l'âme
jeux de couleurs, jeu de femme
j’entends souvent pleurer les palmes du palmier
et les olives flirter avec ce tordu d’ olivier
si si, c’est vrai de vrai !
il suffit de regarder, au frais
a la bonne heure
les abeilles qui se butinent en cœur
les fleurs qui ne se dévoilent
qu’à la brillance des étoiles
oh oui !
les étoiles brillent
et les planètes scintillent
tu connais ça !
eh l'autre !
comme si tu ne savais pas !
bon, écoute voir la suite
je suis au bord de la cuite !
et les guêpes m'embêtent
les moustiques m’astiquent
et vive l’alouette !
une fourmi rieuse se pique
et le temps stoppe
je dois prendre une cloppe
non !
bien sur, petit con !
ma pendule est morte
et la pluie inonde une terre morte
l'orage gronde, grand son !
le réveil vermeil
m’éveille au soleil
je gratte une ronde
pour quatre-vingts tours du monde
moi, je n'ai ni maison ni toit
oh, ça va !
on ne me la fait pas !
fous-rires de fourmis, mouettes moqueuses :
elles me recausent, les gueuses
d’un étrange oiseau qui gobe mes fruits
dans l'après midi.
il file sans un mot
à la vue du corbeau
ma coccinelle revient souvent
donner des nouvelles d'un ancien amant
mais tais-toi !
je ne t'ai rien dit
pourquoi tu souris ?
fraises des bois, murmures de mûres
bocal vide !
plus de confitures !
j’hésite entre des coquillages à la vanille
et un sorbet de pacotilles
mais, je n'aime pas les maisons de là-bas
parce que je n'ai ni maison ni toit
je ne t'ai pas non plus
je n’aurais pas dû…
et alors ?
alors et alors !
je veux retrouver les images des sons forts
ma passerelle d'amitié et mes retraites d'amours
mon abri de liberté, mes mots à rebours
mes amis cachés dans mon ordinateur
mes bêtes, l’alouette, la mygale et une fleur
et pour photographier les murmures du silence
je construirai une tour pour chatouiller
le ciel et assouvir ma vengeance
et peut être enfin édifier
un phare sans couleur
un clocher alentour
un beffroi de malheur
le donjon sans secours
ce serait une flèche du temps
avec toi, l’éternel
un foyer pour cent ans
singulier et pluriel
une maison trempée dans les nuages
une maison de renard perdu sur la plage
une maison dans les dunes
pour combler mes lacunes
un simple refuge pour mes lettres
un petit terrier, peut-être…
que dois-je dire encore
pour défendre mon sort ?
puis-je habiter dans un livre ?
dis-moi à quelle page il y aura assez de givre
pour me laisser écrire à jamais
sans effort et du premier jet
juste écrire avant de crever et perdre la raison
je ne veux pas de maison
sans toi…
Zorica Sentic
tiré de son recueil Eteins le silence