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Quand la peinture me trouble

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Magritte : variante de la tristesse

La poule anthropophage
avec délice regarde
l'enfant de son désir.
 
L'œuf funambule joue les monte-en-l'air
sur fond de chute ; de blanc à jaune,
le chemin est si court !
 
Magritte fige une variante de la tristesse
le glousse sans rire se veut bucolique
sur la montagne bleue où le loup s'est perdu.
 
L'air est frais comme ce regard
qui cherche la petite bête au fond d'un tableau,
mais vite, fuyons avant qu'elle ne grandisse.

jms

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Encore une fois de Ile Eniger dans, "Les pluriels du silence" (à paraître)

Publié le par Ile Eniger

Cet article est reposté depuis une source devenue inaccessible.

Un soleil neuf réveillait la blondeur des pierres. Le matin poussait le volet de la chambre bleue. Un air frais de jardin souverain s'avançait, lavait le regard. Ton sourire m'attendait porteur d'une odeur de café. Des effluves de thym, romarin et lavande entraient avec toi dans la maison. Ton baiser ouvrait ma journée. Tes gestes arrondissaient l'heure. Tous mes matins ainsi fleurissaient. Retenir ces images. Juste un moment. Sentir ton épaule solide et accueillante. Parcourir avec toi la transparence des oliviers, la terre fertile du potager, le babil des mésanges. Ratisser le pied des lilas, respirer ensemble les roses anciennes, revoir le chat courir après les libellules. Et attendre avec toi la rougeur des cerises, un goût de bonheur sur la langue. Juste un moment, amender l'indigence des jours pour goûter, encore une fois, la douceur des mûres au jardin.

Ile Eniger - Les pluriels du silence (à paraître)

Publié dans Ils disent

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Avant mon chat

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Avant mon chat,
il y avait des gâteaux
et des hirondelles dans ma jeunesse.
Avant mon chat,
j'étais un autre,
mais où que j'aille en mon autre,
il y avait un peu de moi.
Si peu pourtant,
que j'ai fini par devenir cet autre.
Puis, à finir de vouloir être un autre,
j'ai été moi,
mais les hirondelles étaient parties.
 
L'âge m'est venu
comme une tasse de café renversée,
comme un rêve coincé dans l'encoignure d'une porte,
l'escalier s'est cabré,
alors, j'ai eu peur de trop vieillir
de ne plus me rappeler
que, lorsque je vivais parmi les autres,
ils ne me voyaient pas,
ou ne se souvenaient
que du petit moi dont ils avaient besoin.
 
Le temps du printemps  
et des hirondelles est fini
mais il y a mon chat,
mon chat qui est là,
et qui, d'une patte à cinq griffes,
m'affirme que nous habitons le présent,
et que, jusqu'à ce que vienne la nuit, nous serons deux.
 
Mais encore j'ai peur
de n'être que ce qui émerge
de la part des nuages où se perdent mes pas.
Sur l'envers de l'oubli où mes pieds écrivent un chemin
qui joue les 'à quoi rime',
heureusement, il y a mon chat
pour ne pas vivre à moitié.
Jusqu'au jour où j'oublierai d'être là.
 
Jms 28 mars 2022
 

 

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Article publié depuis Overblog

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

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De feuilles et d'oiseaux

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)


J'aimerais tant habiter ce ciel de feuilles et d'oiseaux et ne jamais regarder en bas.
Ne plus voir courir au sol la peur des lendemains.
Ne rien savoir de ces heures où, entre chien et loup, la vie se joue au poker des fous.
Ne plus hurler quand on livre le vent, les fleurs et les enfants à la faucille des fossoyeurs de l'Histoire.
Ne rien savoir des dégommeurs du rêve.
Ne plus entendre les jardiniers du crime, leur fumier, leur chiendent, leur râteau, parler d'amour dans le crépitement de gueules de loup et la joie des chrysanthèmes.
Ne rien savoir de l'élite des sourds qui dînent au caviar dans leurs repas d'affaires au nez des affamés.
Ne plus rien entendre des maîtres chanteurs sourds-muets qui, sans sourciller, applaudissent la mort quand la marée-chaussée, au ciel jette des orties, de la poudre et du feu dans les hourras d'une foire grandiloquente où l'on brade la peau humaine.
Ne plus les entendre parler de pétrole et de bienséance quand la parole endimanchée appelle à des parades au pas de loi.
Ne plus voir applaudir ces messieurs de la haute finance qui, du ciel, ne connaissent que les cols blancs des vautours et qui vendent l'acier au cours du canon, si pressés de nous voir tous tomber dans la souricière funeste des tisserands de linceuls, nous parlent d'avenir et envoient les hommes à la mort.
Je ne veux plus entendre les discours toni-truants des persifleurs de haines, leurs envolées lyriques qui résonnent comme des injures à la vie, leurs nostalgies d'un siècle qui s'enivre de ses vieilles blessures et oublient que demain nos enfants piailleront comme des oiseaux gourmands d'alphabets d'amour.
Je ne veux plus les bréviaires de promesses d'hommes niant que les différences sont les facettes premières de la beauté.
Je ne veux pas jouer à triche et gagne.
Je ne sais qui, de vit ou meurt, a la meilleure donne.
Je ne sais que le goût des larmes et le cœur des mères.
Mais j'aimerais tant habiter ce ciel de feuilles et d'oiseaux, et croire que Quelqu'un nous écoute..

JMS  24/03/2022

" Printemps. " Huile sur toile.
Valery Vladimirovich Vatenin, 1967.

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Se reverra-t-on ? (Lettre à l'enfance algérienne)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Froisse et défroisse le ciel, le mot et les amitiés asthéniques.
Et toi, mon ami de si loin venu mais déjà parti, revois-tu notre rue ?
Dans les fissures du ciel et de l'heure, vois-tu là-bas l'absence, et le chevreuil qui court dans l'ombre des bois ?
Un homme ici-bas fond le plomb qui le tuera. La terre tourne sur elle-même comme une robe de derviche tourneur, danseur dont la prière n'arrêtera pas la balle.
Me vois-tu qui me perd dans la danse des jours?
Se reverra-t-on ? Ils sont si loin nos vingt ans.
Au matin, je vais, comme un homme éparpillé sur le sable d'une plage
oubliée, disséquer l'ossature du mot Vivre. J'y cherche la vie jusqu'à sa racine secrète, jusqu'à l'intime. Mais qui donc sait reconnecter le temps, revivre en mémoires tous les moments perdus ?
Je me souviens de l'hirondelle dans la cour, du chat et de l'escalier.
Mains tendues je marche en aveugle mais me cogne à l'oubli.
Qui étais-je pour l'hirondelle, pour son carré de ciel et de soleil ?
J'ai faim d'impossible, j'attends des hirondelles et des nuits d'étoiles étoffées d'un rire d'amis que rien ne déchire.
La mort est un silence au ventre des tombeaux qui se débat comme un absent qui ne veut pas l'oubli. Là d'où je viens, deux pieds dans le néant, mes rêves dansaient avec les étoiles.
La chaleur des nuits, sur papier teinté de firmament, s'irisait comme un poème dans mes soirées algériennes.
Lecteur invisible, j'ouvrais chaque constellation, chaque cri de martinet. Chaque syllabe d'étoiles filantes griffaient le mystère et un goût d'infini. Je ne savais rien de la déchirure ni du poème fermé.
Et toi mon pays, mon ami disparu, quand mes mots s'enfuient, quand le cœur bat des accords de sang et de passion, quand le chagrin est un navire sous l'écume, sais-tu que je suis un homme sans sillage dans ce qui me reste d'avenir ?
Encore il faudra que je te parle de cette maison aux fenêtres de vent qui accueillait les moineaux, du grand platane, et d'un môme à tête de piaf qui jouait sur le perron d'une porte qui ne trouve plus ses clefs.
Tout a changé, ici le ciel est si vide que les étoiles sont tombées, les êtres s'y croisent sans se regarder. Un vide sidéral les noie, une camisole d'indifférence est posée sur chaque regard.
La terre tourne sur elle-même comme une valse qui m'emportera.
Ils sont si loin nos vingt ans. Se reverra-t-on ?

JMS

 

Publié dans Textes de JMS

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Ile Eniger - Extrait de "Les pluriels du silence (à paraître)"

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Les mains vides de mots, elle touche aux heures sans paroles. Plus rien ne précipite un élan, un désir. Elle écoute le printemps qui a sûrement quelque chose à dire, à transmettre. Ce ne sont pas des murs qui entourent son jardin, mais une fatigue de longue nuit. Ô cette fatigue qui retient les jonquilles au ras du sol. Elle s'appuie sur la lumière dorée qui éveille plus tôt le jour. Un souvenir de caresses ponctue ses gestes. Du linge claque au vent comme un ange qui sèche. Des mésanges font la fête aux graines. Un chien aboie dans le lointain. Elle ressemble au soleil qui dort en rond sur le paillasson de l'entrée. Elle n'a plus d'âge.

Ile Eniger - Les pluriels du silence (à paraître) 

insula.over-blog.net/

Publié dans Ils disent

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Entre vivants et souvenirs et encore la haine

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Court la haine,
ce chien de guerre qui aboie
dans la bouche des canons,
qui explose dans le cœur des hommes
court, court,
entre vivants et souvenirs.

Il n'y a pas de petites proies,
je pense à un enfant de trois ans
une balle tirée dans la tête,
à ces millions de victimes du couteau
et de balles tirées dans le ventre
des femmes qui jonchent les terres
du Congo et d'ailleurs,
je pense aux deux fois assassinés
par l'horreur et le silence.  

Il n'y a pas de petits crimes
pas de petits morts,
je pense aux oubliés,
aux partis en fumée,
je pense à ce chien de guerre
qui hante les rues
de Marioupol et d'ailleurs,
aux violeurs et aux soldats qui jubilent,
je pense à ceux qui partent
et ceux qui survivront
la mémoire chargée d'ignominie.

Tous les crimes ont une même taille
c'est l'âme humaine qu'on assassine
c'est la vie qu'on entaille.

Je pense à ce chien de guerre
les crocs dans le sang,
Je pense à la haine qui chante
et à la conscience qui se tait.

jms 20/03/22

 

Publié dans JMS - A paraître

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Viens (lettre à Léo)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Allons viens
viens, j'ai des chips
un fond de bonheur et du coca
viens, pour toi j'ai des croquettes
viens mon chat
dehors il pleut de la guerre et de la douleur
viens, viens avant le grand éclair
viens, ma bête, mon fauve de salon
mon tigre à trois pattes
viens avant qu'ils ne nous lyophilisent
avant que le malheur ne traverse la rue
viens, j'ai de la caresse à donner
et si je t'avais dit "la vie quelle aventure !"
ne crains rien, je voyage en pantoufles
viens mon chat
loin de nous, laissons jouer les humains
viens mon petit sac à douceur
viens et ne crains rien pour aller à demain
je ne veux plus rien  savoir
ouvre ton moteur à ronrons
viens, j'ai fermé ma porte.

jms

Léo

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Et mon cri (Depuis ce texte de mars 2015 six millions de morts)

Publié le par Cheval fou (Sananes)

Tu as pris mon cri
tu l’as, étripé, essoré, lavé
tu l’as noyé dans le silence
noyé dans ses larmes
tu as tourné la page
les talons

je n’étais qu’une image
dans l’annuaire des douleurs
7 secondes de compassion
pour un crime trop loin

et mon cri
mon cri est resté là étendu
à l’encoignure d’un œil humide
piétiné par des oreilles fermées

alors
je n’ai plus rien dit
alors
je n’ai plus parlé
plus pleuré

j’ai ramassé mon cri
je l’ai séché
je l’ai plié
et près d’elle
sous ton silence
j’ai creusé un trou
pour y enterrer
mes larmes
et mon cri

Au Congo
aucun cri orphelin
ne cherche plus d’oreilles

jms in "Et leurs enfants pareils aux miens"

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